Dimanche des Rameaux A6
Au Sixième siècle avant Jésus, lors de l’exil à Babylone, le peuple de Dieu subissait de dures épreuves. Certains se demandaient si vraiment Dieu qui avait libéré leurs ancêtres de l’esclavage d’Égypte s’intéressait encore à eux. Isaïe le prophète ne doutait pas de l’amour de Dieu pour son peuple qui devait malgré tout continuer à être fidèle à son Seigneur. D’ailleurs cette partie de la prophétie d’Isaïe est appelée ‘chant du serviteur’. Ces parole d’Isaïe est le soutien à son peuple «Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé.» (Is50, 4) Le Seigneur envoie son soutien à celui qui est en danger. Jamais, le Seigneur n’assiste pas notre misère, il est à côté de celui qui souffre, surtout celui qui souffre injustement car il y a ceux qui choisissent le chemin de la souffrance, surtout quand on prend consciemment le mauvais choix. Toutes les souffrances ne sont pas celles de l’enfantement, il y a les souffrances qui conduisent à la mort et non à la vie.
La souffrance peut aussi ouvrir les oreilles de celui qui souffre, elle peut être une école bien qu’elle soit différente des autres écoles que nous connaissons. En exil, le peuple de Dieu a bien compris ce qu’est perdre la liberté, l’indépendance et la dignité. Il a compris ce que c’est avoir une nation propre. Imaginez la souffrance de ceux qui n’ont pas de terre ou leur propre pays, qui sont sous le joug des puissances étrangères. Les colonisés n’ont pas beaucoup de droits mais la souffrance peut aider à changer l’avis, la situation et la direction. «Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.» (Is50, 5)
Les chrétiens ont vite compris les souffrances de Jésus comme celles qui conduisent à notre salut. Son sacrifice est salvateur. Ils ont trouvé dans les paroles du prophète Isaïe la préfiguration de la passion et de la mort de Jésus Christ. «J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.» (Is50, 6) C’est Jésus Christ qui a accepté tous les coups sans riposter, il a été insulté mais lui n’a jamais dit une parole nuisible. Il savait que le monde n’est pas le lieu de notre joie éternelle, c’est un lieu de la mission et cette dernière peut nous apporter des difficultés. Mais le monde peut devenir le tremplin de notre victoire finale et la préfiguration de ce qui viendra après. Voilà ce que peut nous révéler le dimanche des Rameaux en souvenir de la foule qui accueillait Jésus en libérateur. «Hosanna au fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au plus haut des Cieux!» (Mt21, 9) Le peuple est content d’avoir en Jésus leur Messie. Avec lui, les jours sombres de la vie se terminent, il voit leur joug déposé à terre, c’est la fin de la pauvreté, c’est le moment de leur bonheur car Dieu a répondu à leurs appels.
La foule acclame leur roi «C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.» (Mt21, 11) Mais la passion de Jésus nous révèle que sa victoire viendra après une série d’épreuves. D’abord le reniement de l’un de ses disciples «L’un des Douze, appelé Judas Iscariote, alla trouver les grands prêtres, et dit: «Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai?» (Mt26, 14-15) Ce geste de lâcheté et d’infidélité attrista profondément Jésus qui ne le cacha pas aux autres alors qu’ils étaient dans un vrai partage où il se donna pour eux. «Je vous le dis en vérité, un de vous me trahira.» (Mt26, 21) Rien n’est plus grave que la trahison faite par un proche. C’est une démission à la fraternité et à l’amour. C’est un péché grave de trahir un ami ou pousser quelqu’un à trahir son prochain. Ce geste en vaut une malédiction «Malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est trahi! Mieux vaudrait pour cet homme-là qu'il ne fût pas né.» (Mt26, 24)
Jésus a été fidèle à son enseignement jusqu’à la fin. Au moment où on tramait sa passion et sa mort, il posait un geste de son offrande pour toute l’humanité «Prenez et mangez, ceci est mon corps.» (Mt26, 26) Au lieu de se méfier de ses disciples pour la trahison et le reniement envers lui, il les porte dans son corps et il fait un geste qui le lie avec eux pour toujours. L’Eucharistie que nous célébrons est notre union avec le Christ, nous prenons son corps enfin d’avoir sa vie en nous. La table eucharistique devient donc celle de la famille divine, et c’est Jésus qui se donne, il nous donne la vie de Dieu. Dans l’Eucharistie, nous recevons vraiment une vie qui est une vraie vie. Ne nous fatiguons pas de vivre une vie qui n’est pas une vie. Dans l’Eucharistie Jésus nous apprend à devenir une vie pour les autres. Devenir une vie pour les autres, c’est chercher à ne pas les trahir, c’est se sacrifier pour que les autres mènent une vie digne des enfants de Dieu.
Entrons dans la Semaine Sainte dans la joie. Nous ne célébrons pas la passion de Jésus dans la tristesse mais dans la joie et dans l’admiration de son amour qui accepte un tel sacrifice suprême. Quel est cet homme qui tire de sa mort notre naissance et notre joie!