Dimanche A5 2023
Le peuple de Dieu a traversé des moments de dures épreuves. Au retour d’exil à Babylone, les choses ne se sont pas bien déroulées, les séquelles de cette terrible épreuve étaient encore vives, leur temple de Jérusalem était démoli, les ruines étaient à la fois internes et externes. La vie a repris timidement religieusement et socialement. Au niveau religieux, ils se consacraient au jeûne, à la pénitence et à la mortification pour plaire à Dieu. Malgré cet effort, les résultats étaient minimes, Dieu restait sourd et lointain. Le prophète Isaïe leur révèle que toutes ces pratiques religieuses si elles ne sont pas accompagnées par la justice et l’amour, elles ne servent à rien. Il annonça aussi l’essentiel de la vie: «Partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable.» (Is58, 7) L’attention aux plus démunis est plus que nécessaire pendant des catastrophes, des guerres, des famines. Ce sont de tels gestes qui pèsent beaucoup devant Dieu plus que les prières.
Se réfugier dans le religieux en oubliant des gestes d’humanité, de miséricorde et de charité au moment où les autres crient secours est une perte de temps. Pendant le génocide au Rwanda, je multipliais des prières mais je sentais qu’elles étaient vides, et quand j’ai commencé à m’engager simplement auprès de ceux qui étaient autour de moi, sans faire de bruit, je ressentais en moi ma raison d’être de soulager ceux qui avaient besoin de secours. C’était alors que mon recueillement et ma méditation me donnaient force et espérance. Ceux qui ont traversé des épreuves sont appelés à ne pas s’engager dans la vengeance, dans la haine et à répondre au mal par le mal, mais à mettre le pardon, la clémence au-dessus de tout. Alors comme le dit le prophète «Ta plaie aura tôt fait de se cicatriser (…) la gloire de Dieu sera ton arrière-garde.» (Is58, 8) Quand on a l’amour, on est habité par la présence de Dieu qui change l’obscurité en lumière, la tristesse en joie, la désunion en unité et le malheur en bonheur. «Alors si tu appelles, le Seigneur répondra; si tu cries, il dira: me voici.» (Is58, 9)
Dans l’Évangile, saint Matthieu nous annonce les paroles de Jésus qui rappellent notre mission en tant que ses disciples «Vous êtes le sel de la terre (…) Vous êtes la lumière du monde.» (Mt5, 13.14) Le sel en soi ne sert à rien mais quand il est utilisé comme un condiment il procure du goût aux aliments, sans lui les plats sont fades, et sans saveur. Le sel évite aussi la pourriture, il est un élément de conservation. Actuellement la vie est pleine d’amertume, de difficultés et de souffrance. Pour beaucoup de gens, il n’y a plus le goût de vivre, ils vivotent et la vie n’est pas attrayante. À quoi sert de vivre si c’est pour souffrir et mourir? D’où certaines théories comme celle de l’euthanasie pour alléger la souffrance, disent ses partisans d’elle. Certains fidèles et responsables de l’Église, élèvent la voix pour condamner cette volonté délibérée de finir une vie, ce qui est condamnable à mon avis, mais est-ce que nous sentons avec énergie notre responsabilité de porter la joie de vivre? Que faisons-nous pour que ceux qui souffrent trouvent la joie de vivre? Malheureusement certains disciples de Jésus Christ réclament de finir leur vie lorsqu’ils souffrent!
Quand la vie n’a plus de goût, c’est le désespoir qui s’en suit. Les disciples de Jésus Christ sont appelés à procurer le goût et la joie à la vie. Mais on ne donne pas ce qu’on n’en a pas. La joie parfaite vient de Dieu. Une vie pleine de joie et de goût n’est pas nécessairement une vie comblée et sans souffrance. Nous voyons ceux qui ont la joie de vivre malgré les moments difficiles qu’ils traversent. Il y a ceux dont les difficultés et les souffrances offrent une lumière pour éclairer les autres. Cette lumière qui guide les autres, elle est d’abord intérieure et elle ne peut pas, ne pas éclairer à l’extérieur car «Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.» (Mt5, 14) Les baptisés portent la lumière du Christ là où il y a des ténèbres, ainsi l’injustice et la violence, surtout aux plus petits disparaissent.
C’est donc l’esprit de charité, de justice et de paix qui doit devenir un sel et une lumière dans notre vie, dans nos familles et dans notre communauté. Un disciple de Jésus ne doit pas ignorer son engagement en faveur de la solidarité, de la non-violence, de la paix et de la justice. Il doit être le premier à protéger la vie. Mais tout ce qu’il défend doit d’abord l’habiter. Individuellement, notre lumière peut être éteinte par les vents contraires qui circulent dans notre société, c’est surtout quand nous unissons notre effort que le goût de vivre peut se manifester. C’est aussi en étant branchés à Jésus Christ, la vraie lumière sans déclin que nous deviendrons une lumière pour tous ceux qui nous approchent. Déconnecter au Christ, notre lumière s’éteint et notre façon de vivre intéresse peu les autres. Nous pouvons nous inspirer des autres pour être des artisans de justice, de paix, de solidarité et d’amour mais Jésus Christ, donne tout cela en abondance et il nous accompagne en les témoignant dans le monde. Soyons ce que nous recevons, la lumière du Christ.