Homélie du 4e dimanche de Carême C
Frères et soeurs,
En ce quatrième dimanche de carême, l’Église nous propose de méditer la parabole dite « parabole du fils prodigue ». Mais nous allons l’appeler la parabole des enfants prodigues, des enfants exilés et de contempler le bon Père dont les bras pour accueillir et le cœur pour aimer, sont toujours ouverts. Arrêtons-nous alors sur ces visages, celui des exilés devenus apatrides et celui du Père stable, miséricordieux, qui guette à la fenêtre et attend toujours le retour de ses fils.
Le premier visage est celui du plus jeune enfant, qui demanda à son Père sa part de fortune et partit pour un pays lointain où il dilapida tout en menant une vie de désordre. Après avoir tout dépensé, il est rattrapé par la réalité du manque. En quittant la maison du Père, le fils cadet qui croyait prendre sa destinée en mains, est devenu un exilé, un sans-domicile-fixe, un homme sans feu ni lieu et donc en situation de précarité. La situation chaotique dans laquelle se retrouve le fils cadet nous interpelle : toutes les richesses (argent, carrière…) pour lesquelles nous nous donnons du mal s’évanouissent. Les biens extérieurs sont provisoires ; la liberté en dehors de Dieu est servitude. Au contraire, en Dieu et dans sa maison, nous devenons plus libres et heureux. Alors, pourquoi nous fatiguons-nous pour les sécurités de ce monde comme s’il s’agissait de notre salut ?
Le deuxième visage est celui du fils aîné, qui vit un exil intérieur, dans la maison de son Père. Pauvre garçon, il est resté attaché aux formes, à sa réputation, au qu’en dira-t-on. Extérieurement, il vit dans la maison du Père, accomplissant son travail comme il se doit ; mais intérieurement, il est hors-les-murs. C’est un homme qui s’est lui-même enchaîné à l’intérieur d’une structure faite pourtant pour rendre les gens libres. Du comportement du fils aîné, nous apprenons aussi quelque chose : la triste comédie d’une spiritualité qui ne descend pas dans les profondeurs de l’être et qui s’arrête au niveau des formes – on prie, on jeûne, on partage pour se sentir bien, pour se faire plaisir et non pour aider le prochain. Frères et sœurs, gardons-nous de la spiritualité du mascara qui consiste à faire les choses pour être vu ou apprécié et non pour prolonger l’œuvre réconciliatrice de Dieu.
Mais Dieu est bon. Il lorgne à la fenêtre et attend notre retour. Les deux visages exilés, plongés dans le narcissisme, rencontrent donc le visage miséricordieux du Père, qui fait bon accueil aux pécheurs, aux exilés intérieurs comme aux exilés extérieurs, car ils sont tous l’œuvre de sa main. La porte de Dieu est toujours ouverte pour nous accueillir. Mais si le fils cadet est retourné vers le Père pour participer à la fête, la situation de l’aîné reste confuse : va-t-il se laisser convaincre et rentrer dans la joie de son père ?
Comme dans un miroir, nous pouvons nous regarder nous-mêmes à travers ces trois visages et découvrir ce que nous sommes, ce que nous devrions être, ce que nous pourrions être.
Certains jours, nous avons à être comme le père, empressé à accueillir celui ou celle qui revient vers nous, et généreux dans le pardon que nous accordons. Au fait, y a-t-il quelqu’un qui, ces temps-ci, attend de nous un geste ou une parole de pardon ? Allons-nous lui pardonner ?
D’autres jours, nous pouvons être tristes comme le fils cadet qui rumine ses torts. Vais-je retourner vers mon père ? Vais-je m’enfermer dans mon chagrin ? L’accueil de Dieu, qui est notre Père, nous est pourtant assuré. Pourquoi tant hésiter à aller vers lui ?
Il y a aussi des jours où nous ressemblons au fils aîné. Il ne nous reste plus alors qu’à demander à Dieu de changer lui-même notre cœur : de faire de notre cœur de pierre un cœur de chair.
Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie nouvelle que Dieu nous donne dans le Christ. Puisse le Seigneur nous libérer des choses encombrantes et de nous-mêmes, pour rentrer à la maison et de fêter sa Pâques ! Amen.