Homélie du Père Samson pour le Jeudi Saint
Jeudi saint 2018
De la célébration du Jeudi saint, trois thèmes me viennent en méditation ce soir : L’angoisse de Jésus – sa prière – et le don total de sa vie dans l’institution de l’Eucharistie et du ministère sacerdotal.
L’utilisation du terme « angoisse » pour décrire le sentiment de Jésus apparaît uniquement au Mont des Oliviers dans les évangiles de Marc et Mathieu, lorsqu’ Il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il commença à être saisi de frayeur et d'angoisse (Mc 14,33 ; cf. Mt 26,37). Ce soir-là les choses ne passent pas pour le meilleur pour Jésus. Il sent dans son cœur d’homme la grande douleur des événements qu’il va vivre. Nous nous souvenons que ces trois ont déjà été choisis pour être les témoins de la Transfiguration au mont Thabor. Selon certains commentateurs, l’événement de cette vision était en vue de la préparation de la passion afin qu’ils puissent apporter à Jésus leur soutien, sans jamais perdre espoir.
L’angoisse de Jésus est forte. Le moment est redoutable. Il sent le besoin d’avoir à côté de lui de vrais amis, solides qui l’aident à traverser la souffrance de l’angoisse. Mais ces derniers ont quelque part failli à cette mission. Les uns accablés par la fatigue et le sommeil, n’ont pas pu veiller avec lui. L’autre quant à lui l’a trahi en le livrant aux mains de ses ennemis pour une question d’argent, l’un enfin par la peur, va le renier publiquement.
A la lecture de cette partie de la vie de Jésus, nous pensons à nombre de nos contemporains autour de nous ou peut être nous-mêmes, parfois accablés par l’angoisse de la mort, de la maladie, de la trahison d’un époux, d’une épouse, d’un ami ou d’un proche. Accablés aussi de l’échec d’un projet de vie.
A Gethsémani, l’humanité de Jésus se manifeste de façon exceptionnelle. En ce moment douloureux, il ressent une grande solitude, marquée par l’absence de ses amis mais aussi par le silence du Père.
Dans l’angoisse et la souffrance on peut avoir l’impression que Dieu est absent de notre vie. Les nuits sont longues, les amis, les proches et les personnes de confiance semblent éloignés.
Heureusement que l’exemple de Jésus nous rassure. Il a su trouver dans la prière la seule force pour échapper à la tentation de se détourner de la volonté de Dieu. La prière a ravivé en lui la confiance que le Père est là. Il est présent, même si sa voix ne se fait pas entendre. Comment le silence de nos longues nuits d’angoisse peut-il nous aider à entendre au fond de nos cœurs la voix du Père qui nous soutient, nous console ?
Avec la force de la prière, il entre dans la grande volonté du Père de sauver l’humanité. Il pose un geste qui donne sens à sa vie et sa mort. Sa vie est service - communion et nourriture.
Il se lève de table et se mit à laver les pieds de ses disciples. Lui qui est en pleine souffrance morale, il a encore le temps de rendre service et même à l’un de ceux qui vont le trahir. Il nous donne non seulement un exemple d’abaissement mais, aussi un sens profond du pardon. Comment le prier pour qu’il nous donne pendant les célébrations de ces grands mystères, la grâce de savoir pardonner et d’être pardonné. Souvent, de nombreux facteurs nous empêchent, de pouvoir pardonner et nous en souffrons. Parce qu’il n’y pas de place pour la vie et le bonheur dans la haine et la rancœur. Par contre la vie et le bonheur s’invitent dans le cœur de celui qui sait se débarrasser de la haine et de la rancœur.
Le don total de la vie de Jésus s’accomplit ce jour-là avec l’institution de l’Eucharistie et du ministère sacerdotal, au cours du repas qu’il partage avec ses disciples. A travers des paroles et des gestes simples mais profonds : « prenez et mangez ceci est mon corps, prenez et buvez ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi », l’Eucharistie est instituée, les premiers prêtres de l’humanité sont ordonnés pour ce service et Jésus devient désormais la nourriture donnée pour chacun mais, aussi celui qui crée l’unité entre ceux qui partagent l’Eucharistie, qui sont frères et sœurs en Lui.
C’est lui qui invite à chaque Eucharistie, et c’est lui-même qui préside à travers la personne du prêtre: « il est à lui seul l’autel, le prêtre, et la victime. » (5éme préface de Pâques).
L’on comprend dès lors pourquoi dans une église l’autel n’est pas une table comme toutes les autres qui s’y trouvent. Il est sacré parce que pendant la célébration Jésus Christ est lui-même l’autel, qui devient en même temps son trône puisqu’il y est lui-même présent dans les saintes espèces. Il est lui-même le grand prêtre qui célèbre l’Eucharistie. Et enfin il habite dans le cœur de tous ceux qui communient, c’est-à-dire qu’il communique à tous la même vie. « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. » (Jean 6,55-56.). Jésus nous offre ainsi la possibilité d’entrer dans une communion avec Lui et, par conséquent, entre nous.
Il y a donc une incohérence de notre foi, lorsque l’on célèbre ensemble l’eucharistie source de communion alors qu’on ne se supporte pas, et qu’on décide de ne pas se pardonner.
Pour entrer dans la profondeur du mystère eucharistique, il est aussi important d’entrer dans la compréhension du sens de l’identité du prêtre, de son rôle et de sa mission dans la communauté. C’est le saint pape Jean Paul II qui nous rappelle dans son exhortation Pastores Dabo Vobis, que la raison d’être du sacerdoce c’est l’Eucharistie. Il y a un lien étroit entre l’Eucharistie qu’il célèbre et la vie du prêtre donnée entièrement pour la mission. Ce prêtre que nous côtoyons tous les jours, qui un ami, un frère, un confident, un collaborateur est aussi du point de vue spirituel celui qui Par la consécration sacramentelle, est configuré à Jésus Christ. Grâce à cette consécration, opérée par l'effusion de l'Esprit dans le sacrement de l'Ordre, sa vie spirituelle est empreinte, modelée, et marquée par les comportements qui sont propres au Christ Tête et Pasteur de l'Église et qui se résument dans sa charité pastorale. De même que L'autorité de Jésus Christ Tête coïncide avec son service, avec le don total de lui-même, humble et plein d'amour, à l'Église, la vie spirituelle de tout prêtre doit être animée et vivifiée par ce type précis de service envers l'Église, précisément comme exigence de sa configuration à Jésus Christ Tête et serviteur de l'Église. (Pastores Dabo vobis 21).
C’est pourquoi au milieu de ses fidèles, le prêtre doit s’efforcer d’être au service de manière désintéressé, ne recherchant aucun honneur. En proie à des contradictions parfois, il doit accepter avec humilité cet abaissement au nom de la mission qu’il reçoit du Christ. Missionnaire de l’Eucharistie source de la communion, il cherche de toutes ses forces à garder dans l’unité les fidèles à sa charge.
Pour finir ma méditation, chers paroissiens, en ce grand jour du jeudi saint, je vais vous faire encore une fois une demande simple : aimons-nous les uns les autres – pardonnons-nous mutuellement. Aimez aussi vos prêtres que nous sommes – Soyez indulgents à l’égard de leur faiblesses. Et si vous priiez pour eux plus que vous ne les critiquiez, ils seraient à mesure d’être à la hauteur de leur tâche et de vos attentes.
Et si cela peut vous rassurer, je vous le redis encore au nom de mes frères prêtres, Jan et Célestin, nous nous vous aimons et nous nous engageons encore devant vous aujourd’hui par l’aide de Notre Seigneur Jésus Christ, à vous aimer d’avantage et à vous servir avec amour.
Père Samson KANTOUSSAN