Le virus noachique — Diocèse de Sens & Auxerre

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Le virus noachique

Noé et pandémie de Covid 19 : méditation par Robert Lacroix, diacre

Il me semble être atteint par le virus noachique. Ce personnage et son aventure me reviennent en mémoire et assaillent mon esprit depuis le début de cette pandémie.

En effet Noé, navigateur cher aux cruciverbistes (amateur de mots croisés), a vécu une sorte de pandémie, raconte le livre de la Genèse, sous la forme d’un déluge qu’elle qualifie d’universel et un confinement dans son arche. Le récit nous explique que Dieu lassé de la violence des humains veut effacer sa création en recouvrant la terre d’une eau purificatrice.

Dieu a mis en branle toute la vie dans ses diversités multiples. Mais dès le début l’homme n’a pas su vivre en harmonie dans cet ensemble : rappelons-nous simplement le meurtre fratricide entre Caïn et Abel. L’histoire de l’humanité n’est qu’une suite de violences : violences entre les hommes, violences faites aux animaux et au monde végétal, violences faites à l’air, à l’eau ! Dieu avec le déluge efface tout et demande à Noé d’assurer la relève en promettant de ne plus jamais provoquer un autre déluge. En quelque sorte il nous confie à nous les humains la tâche de gérer, continuer, aménager sa création en harmonie avec elle. Le déluge c’est son premier avertissement qu’il nous adresse par l’entremise de Noé: “Vous, les humains, tachez de vivre bien avec la nature car vous en faites partie et vous vivrez”. C’est à nous qu’est confiée cette création, cette œuvre de Dieu, ce cadeau de Dieu.

Mais les dérapages, les accrocs dans cette création ont continué au cours des âges malgré les multiples avertissements donné dans l’histoire. La violence faite à la nature et, par-là aux êtres vivants ne peut être combattue qu’en stoppant ce cycle infernal et en retrouvant des liens non-violents avec toute la nature.

Les prophètes ont eux aussi alerté leur peuple (Esaïe 24, 4-6 ; Osée 4,3 ; Jr 18, 11-12). On voit Jésus qui s’émerveilles des lys des champs (Luc 12, 27). Pour les plus récents, citons saint François d’Assise, Gandhi et son disciple en Europe Lanza del Vasto, Henri-David Thoreau aux Amériques. Et plus près de nous tout le mouvement qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « écologiste », et le pape François.

Après ce dernier avertissement aux humains par la geste de Noé, Dieu « se retire » comme acteur direct et nous fait confiance pour habiter notre terre. Il ne nous laisse pas seul : des hommes et des femmes se sont levés au cours du temps pour nous rappeler notre incorporation dans la nature, notre responsabilité face à celle-ci ; il nous a laissé des guides, des modes d’emplois, des conseils pour y parvenir. Mais nous n’entendons pas ! Nous n’entendons ni la voix des prophètes, ni le bruit des glaciers qui se rompent, ni des espèces animales qui de leurs cris muets nous supplient d’arrêter notre course folle ! Nous ne pleurons pas devant le viol fait à la terre dans ses entrailles les plus profondes ! Même le psalmiste se désole (Ps 14, 2-3).

Comme Noé embarqué sur son arche avec toutes les espèces vivantes nous sommes embarqués sur notre bateau-terre avec la même totalité du vivant.

Toute cette totalité n’est-elle pas l’immense voix de Dieu nous alertant encore (mais par d’autres procédés que le déluge) de stopper là notre violence destructrice et retrouver l’harmonie du vivre ensemble.

Mais nous avons continué à vivre selon nos habitudes ( cf. Matthieu 24, 38). 

Comment avons-nous pu ignorer ces mises en garde ininterrompues aux fil des siècles ? Oui, il est temps de sortir Noé des limbes de l’histoire et de le réhabiliter aujourd’hui comme lanceur d’alerte ! Dieu a laissé une trace qui se révèle plusieurs fois par an : c’est l’arc en ciel (Genèse 9, 13), puissions-nous, à la vue de ce signe, nous rappeler le lien de la terre et du ciel, de l’humain et du lis, de l’eau et de la glaise, de la santé et de l’alimentation : bref, tout est lié !

L’écrivain biblique, pour être compris, prête à Dieu des sentiments et des actes très proches des nôtres. Mais nous ne croyons pas à un Dieu destructeur et vengeur (Es 54, 9). Nous croyons en un Dieu de vie qui nous donne un monde où chaque vivant a sa place, une planète où s’articulent toutes vies. L’abandon de la violence est nécessaire pour vivre en équilibre avec l’harmonie originelle. Noé était un homme juste (Gn 6, 9) c’est-à-dire ajusté à Dieu et à ses œuvres, à sa création.

Le déluge « Covid 19 » nous atteint ; et je le lis comme un énième avertissement face aux dérèglements que nous faisons subir par notre violence à l’ensemble de notre bien commun. Mais l’espérance noachique est toujours présente : l’alliance entre le ciel et la terre n’est pas abolie : elle perdure (Si 44, 17-18).

Atteint du virus noachique je vous fais part de ma lecture biblique et actuelle de l’histoire de notre père Noé inventeur du vin bio !

Robert Lacroix