Vingt-deuxième méditation : 5 avril 2020 — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Vingt-deuxième méditation : 5 avril 2020

À partir de l’Évangile de la Passion selon saint Matthieu (26,14 - 27,66)

Texte de référence

En ce dimanche qui nous fait entrer dans la Semaine Sainte, comme chaque année, nous lisons l’un des récits de la Passion, ici dans l’Évangile selon saint Matthieu. Nous avons en nous le souvenir des événements qui viennent de nous être rappelés, mais ce souvenir est souvent partiel, sélectif. Tout le monde garde en mémoire le rideau du Sanctuaire se déchirant en deux, comme cela est raconté dans les trois Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc); mais qui se souvient de ce que Matthieu est seul à raconter : «  La terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens ». 

Dans les éléments de ce récit, qui ne correspondent pas mot pour mot à ce que nous trouvons dans les autres Évangiles, nous sommes de nouveau obligés d’apprendre à lire la Parole de Dieu en retirant nos lunettes journalistiques. Ce qui nous est dit est la Parole de Dieu dans des mots humains, un récit concentrant en lui toute la foi de le l’homme et la Promesse de Dieu. Quand Matthieu écrit ces lignes il a conscience que l’utilisation de ces images de tremblements de terre, de tombeaux qui s’ouvrent et de morts qui se relèvent pour se rassembler dans la Ville sainte, évoquent la fin des temps, l’accomplissement des jours terrestres et l’avènement du règne de Dieu. Quand la course du monde atteint son terme, quand Dieu qui est la Vie et qui s’est fait chair, laisse la mort l’absorber, la terre ne peut que trembler, le soleil et la lumière ne peuvent que voiler leur face. Le bouleversement de ce qui se passe au moment de la mort du Christ sur la Croix est tel que Matthieu a employé ce langage, ce vocabulaire apocalyptique sans lequel nous pourrions penser que sa mort est simplement une mort de plus, même particulièrement scandaleuse. Mais la mort de Jésus n’a rien à voir avec l’assassinat d’un Gandhi ou d’un Martin Luther-King aussi choquantes et médiatiques soient-elles. Quand Jésus meurt, presque personne sur la face de la terre ne le sait… Cet instant est un moment comme les autres pour ceux qui n’ont pas suivi la petite intrigue politico-judiciaire agitant Jérusalem ces jours-là. Et pourtant, tout le sort de l’Univers est joué sur ce bois d’injustice! Qui le sait?? Les morts, qui sentent pousser dans leurs corps inhumés la sève de la Vie nouvelle; la terre et les cieux qui tremblent sur leurs bases devant le Mystère d’un Créateur se faisant esclave et victime pour libérer et justifier toute la Création. Si Matthieu utilise cette grammaire des évènements cosmiques, c’est qu’il a en tête que même si les hommes se taisent, « les pierres crieront » (Cf. Luc 19, 40). L’intention de saint Matthieu est donc de nous dire que la fin des temps est déjà là, non comme annonce de catastrophes destructrices, mais comme l’étonnante affirmation que désormais, la fin du monde est toujours là, qu’elle est la réalité dans laquelle vivent ceux qui sont au Christ. Nous n’attendons pas la fin du monde pour plus tard seulement: nous avons déjà la grâce, depuis notre baptême, de vivre dans une réalité intimement transformée. La seule manière de comprendre cela est d’aimer : quand nous aimons d’un amour authentique et véritable, quand les personnes que nous aimons sont là, quand nous nous en souvenons au lieu de nous y habituer, tout ce que nous traversons est différent: identique du point de vue des évènements, mais totalement différent du point de vue de ce qui est réellement vécu. La fin des temps est là avec ses lumières d’éternité et nous sommes invités à ne pas la contempler de loin, mais à en vivre de plus en plus pleinement. Bonne Semaine sainte à tous! 

 

Pour ceux qui voudraient méditer à partir d’une œuvre d’art, lien vers un article de La Croix paru le 24/03/2018 sur une fresque de Pietro Lorenzetti à Assise: CLIQUEZ  ICI