Trente-deuxième méditation: mercredi dans l’Octave de Pâques, 15 avril 2020 — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Trente-deuxième méditation: mercredi dans l’Octave de Pâques, 15 avril 2020

À partir de la Première lecture de la messe du jour: Actes des Apôtres 3, 1-10

Anastasis, fresque du XIe siècle, église Saint-Sauveur-in-Chora, Istanbul. 

texte de référence

On a installé l’homme près du Temple, à la « Belle porte »… Aussi belle que soit cette porte, aussi habité que soit ce temple, l’homme infirme a été installé dans sa misère, il a été appelé « Mendiant ». En voyant arriver Pierre et Jean, il réagit selon l’étiquette qui lui a été collée depuis si longtemps sur le visage et à l’entrée du cœur : il demande de l’argent, « Mendiant » mendie…! Mais voilà que Pierre et Jean le regardent, le texte dit même qu’ils fixèrent les yeux sur lui et que Pierre l’invita à faire de même. « Mendiant » ne mendie plus, il donne son regard à ces passants qu’il ne connait pas. Et Pierre continue: « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche. » Et joignant le geste à la parole, Pierre le prend par la main droite et le relève. Ce verbe « relever » est le même que celui que nous traduisons par « ressusciter »« Mendiant », relevé par Pierre est donc tiré de son abaissement, de sa mendicité, de son mal, par le geste d’un homme d’un simple pêcheur de Galilée, qui le relève, le ‘ ressuscite'. Pierre n’a pas dit à cet homme « je ne peux rien pour toi, je ne suis qu’un pauvre croyant incapable »; il lui a certes dit ce qu’il n’avait pas, de l’or et de l’argent, mais il lui a aussi dit ce qu’il avait, ce qui le faisait vivre bien plus surement que l’or et l’argent : sa relation avec Jésus, faisant de lui un homme au service de la Résurrection. Pierre n’a pas dit à cet homme « Jésus te ressuscitera… un jour… peut-être… à supposer que la résurrection de la chair soit compatible avec ma compréhension du réel… », il lui a dit: « au nom de Jésus le Nazaréen, lève-toi et marche »! Pierre a fait l’expérience de la mort de Jésus, dans sa propre chair de lâcheté la nuit de la Passion, il est descendu dans le tombeau vide avec Jean, il est resté figé dans les ombres de l'impossible questionnement devant les linges, il a senti s’ébranler en lui les certitudes et les entêtements, il a rencontré le Ressuscité, il a été repris dans ses profondeurs par Lui, par ses mots « Pierre m’aimes-tu? Pais mes brebis! ». Cela ne fait pas de lui un technicien de l’Espérance et de la Résurrection; ce qu’il fait, il ne sait pas comment le faire, il ne sait pas la puissance de son geste et de sa parole, parce qu’il accepte que sa parole et son geste ne soient pas les siens… Il fait l’œuvre de Dieu, il prête sa vie à Jésus pour qu’à travers sa chair, son histoire, ses blessures et ses guérisons, Pierre devienne, plus qu’un instrument du Salut, un artisan de Salut. On voit parfois des chrétiens qui pensent que celui qui veut servir Jésus doit passer par l’unique voie d’une vocation à la différence des autres, qu’il doit entrer dans un moule, pour devenir un bon instrument de Jésus, comme ceux qu’on a vu sur les 'étagères spirituelles' de nos grand-mères, mais nous ne sommes pas et nous ne serons jamais des instruments, nous ne sommes pas des pelles à tartes! Jésus n’a pas besoin de chrétiens stéréotypés, enfermés dans leurs idées d’un salut passant à travers eux sans qu’ils y mettent quoi que ce soit d’eux-mêmes, Il a besoin d’hommes et de femmes qui déclinent, diffractent la lumière du Salut par la bienheureuse opacité de leur vie. Pierre a relevé cet homme parce qu’il croit au Ressuscité qui a vaincu la mort, et parce qu’il a déjà fait l’expérience dans sa chair, de la Mort et de la Résurrection. Il ne pourrait pas saisir la main de cet homme et le relever, comme le ferait un autre; il le fait en étant lui, en se souvenant de son reniement et du « m’aimes-tu? » de Jésus. Il guérit cet homme et fait ricocher la grâce sur tous ceux qui sont là. Et cet homme, ce « Mendiant », cet « Infirme » en relèvera d'autres, à son tour, en repensant à ses longues années clouées à cette Belle porte, au regard de Pierre et au Nom de Jésus. Frères et sœurs, ne cherchons pas à être des instruments passifs de la Grâce; entendons Dieu qui nous appelle à être des collaborateurs de sa Grâce et à embaucher nos pauvretés et nos blessures dans cette mission!