Quarante-troisième méditation: Troisième dimanche de Pâques, 26 avril 2020 — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Quarante-troisième méditation: Troisième dimanche de Pâques, 26 avril 2020

À partir de l’Évangile de la messe du jour: Luc 24, 13-35.

Texte de référence

« Ils se dirent l’un à l’autre : ‘' Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ?'’ » Voilà le signe de la présence de Dieu dans les cœurs qui ne l’ont peut-être pas encore reconnu ou qui, l’ayant reconnu, vivent leur relation avec Lui sous le mode de l’absence et du Désir. Depuis des semaines, nous sommes privés d’Eucharistie et notre souffrance n’est pas seulement celle de ne pas pouvoir recevoir le corps du Christ sous les espèces sacramentelles. Même si un certain nombre de Chrétiens commencent à donner de la voix pour pouvoir recevoir l’Eucharistie - et nous pouvons les comprendre tant ce sacrement est essentiel pour notre vie chrétienne - nous ne devons surtout pas croire que des solutions simplistes pourraient être données à des questions compliquées. L’épreuve que nous rencontrons est multiforme, elle est par certains aspects insaisissable et nous devons repérer de quoi nous avons vraiment faim et besoin… Même si nous espérons tous le moment où nous pourrons de nouveau célébrer des messes publiques et recevoir le Pain de Vie, il est fort probable que nous ne puissions revenir avant longtemps à une situation « normale ». Des membres de nos communautés continueront longtemps d’être éloignés de nos assemblées, en raison de leurs fragilités, des risques plus particuliers qui les menaceront ou les empêcheront de nous rejoindre, et notre monde sera sans doute durablement blessé par cette crise. Chaque domaine de notre société est touché de manière particulière par la crise sanitaire que nous traversons, et il serait faux et dangereux, pour un Chrétien, de penser que tout reviendrait à l’état normal s’il pouvait recevoir la communion, même si le corps de l’Eglise restait gravement amputé de certains de ses membres et si le monde était en détresse… Certaines revendications oublient de relier le désir de communion eucharistique au désir plus large de rassemblement de la Communauté et à celui, plus vaste encore, du rassemblement final de toute la Création, que Dieu désire et que nous oublions souvent… L’Eucharistie que nous célébrons n’est pas un lieu de ravitaillement spirituel que nous comparerions à celui de nos magasins d’alimentation terrestre. L’Eucharistie dominicale est toujours une célébration de la mort et de le Résurrection du Christ, tendue vers la réalité de la fin des temps, un signe de ces noces éternelles qui réunifieront toute la Création avec son Créateur… N’en faisons jamais une chose, un objet, même céleste, que nous pourrions obtenir en dehors de cet immense mouvement qui vient de Dieu et retourne à Dieu, sans que nous puissions le cerner vraiment. Dieu qu’il est délicat d’entrer dans ton mystère, tu te donnes mais tu n’es jamais « à nous », Tu te fais nourriture mais jamais sans que nous puissions prendre place à ta table en oubliant les autres convives, Tu te donnes à aimer sous la forme d’un désir ardent qui habite notre cœur et le fait brûler… Combien d’hommes et de femmes dans le monde, brûlent du désir de Toi? Combien perçoivent ta présence sous la forme de cette soif au cœur de toutes leurs recherches éperdues de bonheur? En ce temps si étrange, si incertain, ne nous permets pas de plonger tête baissée dans l’envie de combler nos manques, au contraire, réveille la brûlure du cœur qui vit naître la foi en nous comme le feu d’un grand désir. Et si notre Église avait besoin, plus que de toute autre chose, de cette brûlure de Désir qui donne déjà du sens à tout ce que nous vivrons demain… Que notre Communauté ne rêve pas de revenir à la vie d’avant mais d’accueillir la Vie d’après, la Vie de l’Au-delà dans les lendemains qui s’annoncent…..

Père Arnaud

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Chers amis

  Dimanche dernier, Jésus vint retrouver ses disciples dans leur confinement.  Leur peur de l’extérieur ressemble à notre crainte actuelle et les renfermait, comme nous, derrière des portes bien verrouillées et des murs bien épais. Il les retrouva là et leur donna sa paix.  

   Aujourd’hui, il est en marche, il retrouve sur le chemin d’Emmaüs deux disciples déçus qui ont choisi de faire un retour en arrière. Tournant le dos à Jérusalem là où ils enterrèrent rêves et fantasmes, ils sombrèrent dans la dramatisation. La Croix les hantait et l’horreur du Golgotha les empêchait d’apercevoir aucun nouvel espoir. Leur dramatisation issue de leur profonde déception les aveuglait et les empêchaient de voir autre chose et d’être attentifs à toute autre nouvelle. Comme eux, nous aussi, nous pouvons passer beaucoup de temps à remuer un passé douloureux ou à se fixer sur une déception. Nous aussi, nous pouvons passer des années et des mois à regarder nos vies dans un rétroviseur et reculer là où nous croyons avancer. Passer son temps à jouer le déçu, la victime et l’incompris peut faire de Jésus qui peut être juste à côté et qui ne cesse de me retrouver, un simple étranger, indifférent et déconnecter de ma réalité. Pour briser ce cercle vicieux de la commémoration permanente du malheur, Jésus nous livre les clés : Interpréter les évènements et l’Ecriture surtout par Lui. En d’autres termes, au lieu de nous fixer longtemps sur un échec, une épreuve ou un drame, le Ressuscité nous invite à contempler l’ensemble et à croire qu’il est possible d’y déceler la gloire de Dieu : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ?».  Il ne s’agit pas de perdre son temps à contempler une gloire qui exige la souffrance et en fait une nécessité mais celle qui la transforme. Selon mon théologien préféré, Balthazar, la Gloire de Dieu n’est autre chose que son Amour. Avoir la confiance que l’amour de Dieu mène ma vie, mon chemin ne terminera jamais à Emmaüs (qui veut dire « peuple méprisé » en grec). Privés du « Pain rompu » et des retrouvailles avec la communauté pour annoncer ensemble : « Le Seigneur est réellement ressuscité », sa Parole, l’Écriture demeure pourtant avec nous. Laissons-la nous consoler, nous montrer des nouvelles lumières, nous empêcher de faire des demis tours destructifs et surtout nous relever au quotidien.

Père Charbel