Cinquante-septième méditation: Cinquième Dimanche de Pâques, 10 mai 2020 — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Cinquante-septième méditation: Cinquième Dimanche de Pâques, 10 mai 2020

À partir de l’Évangile de la messe du jour : Jean 14, 1-12.

texte de référence

Nous voici donc déjà à la cinquante-septième médiation depuis le début de ces temps étranges et séparés… Le temps passe mais il a du mal à passer dans le passé; il s’étire en une longue réitération un peu plate de jours manquant de relief. Dans ces jours, l’écriture de cette méditation est avant tout une sorte de temps consacré, que je passe avec vous et pour vous dans le souffle de l'Esprit. Je me rends compte un peu mieux encore de l’importance que peut avoir pour un curé de Paroisse, le temps consacré à ses paroissiens. Ma mission, sans vous, est amputée d’un ancrage humain qui appelle dans mes journées cet « arrêt sur Parole ». C’est une obligation coûteuse en temps, mais quand je m’assois à mon bureau pour méditer avec vous sur les mots que Dieu nous adresse, je me sens proche de vous, je me sens à ma place, recevant avec vous la Bonne Nouvelle pour pouvoir la porter. J’ai bien hâte de vous retrouver mais en attendant, nous ne faisons pas qu’attendre, nous sommes transformés par ces temps, par l’Evangile, par l’Esprit du Fils qui crie en nous « Abba, Père »… Essayons de vivre pleinement le présent, même s’il a mauvais goût parfois; Dieu nous y attend et nous y fait grandir.

         L’Évangile de ce dimanche reprend celui que nous avons médité le 8 mai dernier et il se prolonge par le dialogue entre Jésus et Thomas. Nous nous souvenons du bouleversement de Pierre, de la nécessaire offrande de sa relation avec Jésus à Dieu, qui seul pouvait la faire passer par le chemin de la Mort et de la Résurrection. C’est maintenant à Thomas de passer par ce chemin. Lui aussi croyait sans doute qu’il avait saisi la vérité, qu’il connaissait la voie ouverte par son maître, Jésus. Mais voici que ce même Jésus lui échappe à lui aussi, comme il avait échappé à Pierre quelques instants auparavant. On sent dans les questions posées par Thomas qu’il perd pied comme on dit vulgairement. Jésus les entraine plus loin que les rivages spirituels rassurants sur lesquels ils croyaient devoir rester. L’approche de sa Passion rend tout plus sombre, plus compliqué, plus insaisissable. Jésus s’adressant à ses disciples leur dit qu’ils «savent le chemin », et Thomas, voyant s’éloigner le pas du Christ au-delà de ce qu’il croyait être le chemin, se raidit et s’écrie : «Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? ». Ces mots sont ceux d’un enfant qui interpelle vivement ses parents et leur dit son incapacité à faire ce à quoi ils l'appellent. Jésus sait que le chemin c’est Lui, que pour l’emprunter, ils n’ont besoin que d’une chose: être attachés à Lui, et lâcher tout le reste de leurs certitudes. Si nous comprenons cela, alors, oui! nous savons le chemin… Mais Thomas, lui, est comme Pierre; il a encore son idée du bon disciple qui doit faire ceci ou cela pour être à la hauteur de ce que Dieu attend de lui. Pierre, Thomas et les autres, ont suivi Jésus, ils ont mis leur confiance en Lui, mais ils n’ont pas encore compris que l’essentiel est fait dans cette confiance offerte. Ils aiment le Christ, ils sont attachés à Lui mais ils continuent de penser que le Salut est suspendu à une bonne conduite, à des illuminations spirituelles particulières, à l’observance de lois nouvelles et toujours plus exigeantes. Pourtant, dans le dessaisissement douloureux de ce moment, ils se rendent compte que l’attachement à la personne salvatrice de Jésus est la plus exigeante des lois parce qu’elle nous dépouille de nos tentatives de posséder le Salut sous une forme ou une autre. Suivre Jésus, reconnaitre le Père à travers les traits de son visage humain, c’est toujours un don, une grâce, une réalité bien plus grande que ce que nous pourrions vouloir tenir et garder pour nous-mêmes. Thomas est dépouillé lui aussi, comme Pierre l’a été, comme nous le serons tous un jour ou l’autre. Notre foi chrétienne est un feu de dépouillement et de dépendance à la Grâce; n’en faisons jamais une règle de savoir-vivre.