Cinquante-cinquième méditation: Vendredi 8 mai 2020 — 16. Paroisse Saint-Germain d'Auxerre

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Cinquante-cinquième méditation: Vendredi 8 mai 2020

À partir de l’Évangile de la messe du jour : Jean 14, 1-6

texte de référence

L’Évangile que nous lisons aujourd’hui se situe juste à la suite d’un échange entre Jésus et ses disciples (fin du chapitre 13). Le Seigneur vient de leur annoncer qu’il va bientôt les quitter et il vient en même temps de leur montrer la voie qui conduit au Royaume en les invitant à s’aimer les uns les autres : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres». Porté par ce souffle, et par l’inquiétude de cette annonce de départ, Pierre désirant sincèrement aimer Jésus, lui demande où il va, et l’assure de sa volonté de le suivre, de donner sa vie pour Lui. Jésus l’arrête dans son élan et lui annonce son triple reniement avant le chant du coq. C’est juste à ce moment que débute la péricope de ce jour; et nous comprenons mieux pourquoi Jésus dit : « que votre cœur ne soit pas bouleversé »… Imaginons l’état du cœur de Pierre à cet instant; bouleversé ou brisé, il devait l’être, sans aucun doute; on le serait à moins! Son Amitié pour le Seigneur est tout ce qu’il y a de plus sincère, sa volonté de Le suivre et de donner sa vie pour Lui ne l’est pas moins, mais Jésus le replace face à la brutalité de la réalité. Nous rêvons parfois d’être capables de choses impossibles, nous surestimons nos forces, et l’Amour, même lumineux et juste, nous fait souvent minimiser les résistances intérieures et extérieures qui feront obstacles à nos plus beaux élans. Pierre se trouve écartelé entre ce noble désir qui le fait vivre et cette annonce d'un reniement qui le tue. Serait-il capable de renier ce qui en Lui tend vers la vie pour préserver misérablement sa vie? Terrible douleur, terrible gouffre qu’il ne peut franchir sans mourir. Et oui… Jésus lui annonce que pour passer par le chemin qu’Il va emprunter Lui-même, Pierre devra accepter de mourir, de mourir à son désir d’un amour tout-puissant ne passant pas par la mort. En lui annonçant qu’il va renier, Jésus ne dit pas à Pierre que son Amour n’est pas sincère et qu’il va échouer, Jésus lui annonce en fait que son Amour sincère vaincra en acceptant de mourir à ses rêves d’excellence et de performance. Si Pierre aime Jésus, il doit comprendre que son Amour devra se faire pauvre, faillible… C’est la voie que Dieu Lui-même a emprunté : Lui, le tout-puissant s’est fait pauvre en venant dans notre chair, en acceptant les lois de cette vie terrestre jusqu’à la mort pour vaincre la mort. Si Pierre veut être fidèle à son Ami et faire sa volonté, il ne doit plus rêver d’être performant aux yeux des hommes et de devenir « le meilleur des disciples », mais il doit choisir d’être saint en se laissant conduire par Dieu. Lui, le Seigneur, lui fera emprunter les chemins de son humanité singulièrement faible et Il lui révèlera, sur ce chemin unique et vrai, qui il est réellement, le sens de ses méandres intérieurs, le pourquoi de son histoire. C’est à Pierre, désirant aimer, reniant, se laissant relever par l’Amour renié, que Jésus confie la charge de pardonner et de délier ses frères. Que Dieu nous donne la grâce de ne pas rêver nos vies mais de les vivre; qu’Il nous fasse la grâce de ne pas rêver non-plus l’Église comme une société parfaite, mais de la recevoir comme le Don d’une communion pauvre conduisant, cahin-caha, à travers dépossessions, morts et relèvements, jusqu’à Dieu : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ».