Église de Sommecaise
A l’origine un prieuré
Dès le 11e siècle, à l’emplacement approximatif de l’église de Sommecaise, existait un prieuré avec une hôtellerie dépendant de l’abbaye St Germain d’Auxerre. L’emplacement est stratégique. Dominant la vallée du Vrin, il est placé au croisement de deux axes routiers. L’un relie la Champagne à la moyenne vallée de la Loire vers Briare et l’autre joint Auxerre à Sens et Paris avec une bifurcation possible vers Orléans. Malheureusement au cours de la Guerre de Cent ans qui opposait les Bourguignons et Armagnacs, le prieuré a été souvent attaqué par les Grandes Compagnies, pillé et ruiné. Aussi ce qui pouvait rester de l’importante construction a-t-il été rasé au début du 15e siècle.
L’église actuelle
Sur l’emplacement facile à défendre de la Motte de Sommecaise, les villageois décidèrent, dès 1450, de reconstruire un lieu de culte dédié comme précédent à Saint Martin. Ainsi était gardé le souvenir du séjour temporaire de ses reliques à l’abbaye St Germain d’Auxerre à la période des invasions normandes et de son retour à Tours en s’arrêtant en de nombreux lieux de nos campagnes icaunaises. Cette église est achevée vers la fin du 15e siècle. Un curé est nommé vers 1490.
L’édifice conserve des bases romanes encore visible par exemple à l’entrée. Le clocher, lui, annonce l’arrivée du gothique. Le plan initial était en croix latine formée d’une grande nef centrale flanquée au nord et au sud d’une importante chapelle. Au nord, la sacristie s’appuie contre la chapelle. Au sud, il y avait une petite chapelle à côté de la grande.
Avant la guerre 39-45, les deux chapelles sud, menaçant ruine, peut-être à cause d’un glissement de terrain, ont été démolies. La solution la plus simple a été de boucher les ouvertures des chapelles. La dalle funéraire du sire Louis de Courtenay, enterré dans la grande chapelle sud, a été dressée contre le mur reconstruit. La statuaire comporte deux pièces anciennes : au-dessus du maître-autel un "saint Martin à cheval donnant la moitié de son manteau au pauvre" et peut-être une "sainte Anne", bien que la Vierge Marie enfant qui devrait l’accompagner soit absente.
Le 19e siècle a apporté une piéta imposante et un chemin de croix d’assez belle facture, mais malheureusement assez dégradé. Les autres statues sont de style "St Sulpice" comme on en trouve beaucoup dans nos églises. On peut être surpris du petit nombre de places qu’offrent les bancs alors que l’église a été construite à une époque où le village comptait dans les 500 habitants. Les catholiques étaient sans doute peu nombreux dans une population où vivait un certain nombre de protestants.
On a la plus belle vue extérieure de l’église de Sommecaise de l’autre côté de la vallée du Vrin, à partir de la route venant des Ormes.
Saint Martin de chez nous
L’état militaire avait donné à Saint Martin le goût des voyages ; il quitta donc souvent son diocèse pour parcourir les pays de Loire et le nord de l’Auvergne ; il séjourna à Autun et à Avallon. Bien qu’il soit mort depuis l’an 387, et qu’il fut enterré à Tours, Martin continua longtemps à voyager !
Au IXe siècle, les abbés de Saint Martin de Tours prirent le chemin de l’exil en emportant les ossements du Saint. Ils vinrent demander l’hospitalité aux moines de Chablis, en Bourgogne, où ils restèrent dix ans avec leurs précieuses reliques, de 872 à 882. Mais devant l’avancée des envahisseurs normands, les gardiens de l’abbaye de Chablis, craignant pour la sécurité de leur monastère, demandèrent aux moines de l’abbaye de Saint Germain d’Auxerre, de bien vouloir d’accueillir les reliques de Saint Martin à Auxerre, Saint Germain ait poussé la courtoisie jusqu’à cesser d’accomplir des miracles, laissant à son hôte la gloire de guérir les malades et de soulager les affligés.
Trente ans plus tard, la situation étant plus calme, les moines de Saint Martin de Tours réclamèrent les dépouilles de leur Saint.Mais devant le nombre impressionnant de miracles accomplis par son illustre hôte, l’évêque d’Auxerre refusa d’accéder à leur requête. Il fallut une armée de dix mille soldats pour que Martin repartît pour son diocèse d’origine. Ce départ donna lieu à de multiples fêtes, processions et reposoirs sur le chemin du retour. Et d’églises en chapelles, de grottes en reposoirs, chaque ville ou village où passait le cortège voulut se mettre sous le patronage du saint, et un an sera nécessaire pour que Saint Martin retrouve sa bonne ville de Tours.
Certaines paroisses qui l’ont pris comme tuteur honorent Saint Martin le 4 juillet, pour fêter la "translation" ou "réversion". Trois mille six cent paroisses en France ont Saint Martin pour patron, dont 52 dans le seul département de l’Yonne, sans compter les moulins, fontaines ou lieux-dits. Près de nous, on trouve Saint Martin sur Ocre, avec une niche dans le chœur abritant un Saint Martin de pierre : Saint Martin sur Ouanne, avec une statue équestre sur le porche et à l’intérieur de l’église une bannière brodée sur étoffe. Le Saint Martin qui orne le retable du maître autel de Sommecaise est de 1656 ; il est en pierre, et saisissant de vérité.
De nombreux dictons se réclament de Saint Martin : j’en ai retenu un : "si tu veux avoir du grain sème ton blé à la Saint Martin".
Martin reste encore aujourd’hui un prénom très utilisé, et l’un des patronymes les plus répandus en France. Sa charité éclairée est bien adaptée à notre temps et à ses exigences. Ce saint "de chez nous" reste un modèle pour tous.
Michel Latapie
Saint Martin est fêté le 11 novembre