Homélie de la messe d'ouverture de l'année jubilaire 2025
Dans les diocèses du monde entier, l’ouverture de l’année jubilaire est célébrée aujourd’hui.
Or, ce dimanche 29 décembre est aussi la fête de la Sainte Famille. Loin de placer devant nos yeux un modèle familial éthéré et inatteignable, la famille de Jésus, Marie et Joseph exprime la proximité de Dieu en son Fils, comme de Marie et de Joseph avec chacun de nous et nos familles. Il y est autant question de l’intimité d’une vie familiale que de la vocation commune de l’humanité et de l’Eglise : être une famille, devenir une famille, où chacune et chacun découvre sa place unique comme les liens qui tissent sa vie.
L’année jubilaire se conclura le dimanche 28 décembre 2025, aussi fête de la Sainte Famille.
Puissent chacun des jours de cette année nous aider, tous, à grandir dans des relations plus cordiales, fraternelles, douces, respectueuses.
En employant ces mots, je pense désigner ce qui nourrit nos espérances. Qui d’entre nous n’espère pas plus d’entente et de fraternité dans les familles et entre nous tous, comme aussi dans l’Église ?
Or, tout ceci, fraternité, respect, amour, n’est pas donné de manière spontanée, cela se désire et cela se construit.
L’Évangile vient de nous montrer qu’il en fut ainsi pour Marie et pour Joseph.
D’ailleurs, c’est quelque chose qui pourrait nous étonner.
Les Évangiles de l’enfance nous ont montré que, tant Marie que Joseph, ont bénéficié de messages de Dieu transmis par l’ange.
Ils ont donc compris que l’enfant qui allait naître ne serait pas un enfant comme un autre. Il est Emmanuel – Dieu avec nous – il est le Messie, il est le Sauveur. Ils savent le lien unique de cet enfant avec Dieu.
Or, on vient d’entendre ces paroles de Marie : “Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant !”
Il faut d’abord se garder de faire une lecture psychologique de l’Évangile.
La Bible n’a pas d’abord été écrite comme un reportage ou comme un roman sentimental.
La Bible se comprend en fonction de son projet : conduire à la foi, soutenir la foi, nous permettre de connaître Dieu.
Et c’est bien cela dont il est question dans ce texte.
Les paroles de Jésus, déjà à douze ans, âge auquel on devient adulte dans le peuple d’Israël, révèlent qui est Dieu : “Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ?”
Oui, voilà qui est Dieu : il est le Père de Jésus, et l’Évangile montrera ensuite que Jésus nous le donne aussi pour notre Père.
Le dessein de l’Evangile n’a que ce projet-là : nous révéler qui est Dieu et nous conduire à lui.
Et de cela, c’est Jésus qui en est le chemin.
Oui, Joseph et Marie savaient cela, cependant, au risque de la psychologie, le texte nous montre qu’ils sont aussi des êtres humains et qu’il leur faut du temps pour accéder à ce que cela signifie, pour eux, et pour toute l’humanité.
C’est une expérience courante dans les familles : le tempo de chacun de ses membres est spécifique.
Lorsqu’un enfant annonce qu’il a rencontré quelqu’un, ou quelqu’une, voire qu’il veut entrer au séminaire ou dans la vie consacrée, il faut du temps aux parents pour accueillir et accepter ce choix – excepté si c’est le choix de maman ou de papa… c’est alors à l’enfant qu’il faut du temps pour accepter ce que ses parents décident pour lui… auquel cas j’espère que l’enfant saura refuser ce que d’autres, même ses parents, décident pour sa vie.
Bref, Marie et Joseph, comme tous les parents, doivent découvrir peu à peu la manière dont prend forme la personnalité et la mission de leur fils Jésus.
Cela, ils le font de deux manières.
D’abord en interrogeant : “Pourquoi nous as-tu fait cela ?”
D’aucune manière, poser des questions ce n’est manquer de foi.
Les Evangiles et toute la Bible rapportent moulte questions adressées à Dieu, ou à Jésus.
Ayons la simplicité d’accepter que nous ne comprenions pas le sens de tout ce qui arrive, dans le monde, dans nos vies. D’accepter que, parfois, des événements nous bousculent, voire nous scandalisent.
L’acte de foi n’est jamais une abdication de la volonté et de l’intelligence.
Tout au contraire, la foi appelle l’adhésion de l’une et de l’autre, intelligence et volonté, et cette adhésion peut demander du temps, comme demander beaucoup de questions.
Cette année jubilaire, qui est aussi celle de l’anniversaire du concile de Nicée et de son symbole de foi, 325, peut être une belle occasion de nous interroger pour mieux comprendre les mots de la foi, de son symbole.
En effet, poser une question, exprimer nos “pourquoi”, c’est nous donner la chance que le Seigneur nous réponde, qu’il nous éclaire, comme il le fait ici pour Joseph et pour Marie.
Et puis, au-delà des questions, il y a aussi cette autre attitude de Marie : "Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.”
Comme on le disait le matin de Noël, le silence, le recueillement, la prière nous permettent d’accéder au sens de la vie, au sens profond des événements.
Et cela demande du temps, appelle la patience qui fait accueillir ce qui ne dépend pas entièrement de nous.
Par ces choses toutes simples, et pourtant pas toujours faciles à mettre en œuvre en une époque où nous voulons que tout aille vite, l’Evangile et ce qu’il rapporte de Marie et de Joseph, donnent des chemins pour une vie familiale plus sereine, plus belle.
Avoir la simplicité de se parler, de s’interroger, et j’ajoute de s’écouter surtout : si la question importe, la réponse compte au moins tout autant.
Et puis, accepter le temps, les rythmes différents ; cultiver la vertu de la patience.
L’année jubilaire qui commence aujourd’hui veut faire de tous des “pèlerins d’espérance”, je reprends les mots du pape François dans le texte qui présente le jubilé.
Par ces deux mots, “pèlerins d’espérance”, le pape souligne que l’espérance n’est pas un état, mais plutôt un mouvement, un dynamisme, surtout qu’elle se découvre en marchant, ou bien encore en vivant.
C’est la raison pour laquelle, pendant une année jubilaire, il y a des marches, des processions, des pèlerinages, comme nous l’avons fait entre le carmel et la cathédrale.
Nous marchons avec nos corps, mais nous marchons aussi dans nos esprits, dans nos cœurs.
Je le souligne, il s’agit bien de marcher, avec nos pieds, et nous savons que cela prend du temps.
A nouveau cette vertu de la patience qui sait que les choses profondes ne se font pas à la vitesse du TGV.
Mais, soyons-en certains, non pas au terme de la marche, mais à chaque pas de celle-ci, notre espérance sera soutenue, encouragée, nourrie, car, pour reprendre les paroles de l’apôtre Paul, “l’espérance ne déçoit pas” (Rm 5, 5).
Terminons ensemble en récitant la prière du Jubilé.