Homélie de la messe de la Nuit de Noël — Diocèse de Sens & Auxerre

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Homélie de la messe de la Nuit de Noël

24 décembre 2024, à Auxerre

Au cœur de la nuit de Noël est annoncée une grande joie pour tout le peuple.
N’ayons pas peur de cette joie, ne nous sentons pas coupables d’être joyeux.
C’est vrai, nous savons que des choses vont mal ; des personnes traversent des épreuves, des peuples sont en guerre ou connaissent de grandes souffrances, pour nous, Français, nous ne pouvons oublier Mayotte frappée par un cyclone exceptionnel.
Même dans la nuit de Noël, ceci est présent à nos esprits.
Mais ceci ne doit pas nous interdire la joie ou bien lui donner un goût amer.

Lorsque l’on connaît la joie, on ne retire rien aux autres, c’est même tout le contraire.
Ceux qui vont mal, la joie n’est pas une insulte pour eux, elle fait du bien.
On en a tous fait l’expérience, voir un sourire sur un visage nous apporte bien plus qu’une grimace ou une “face de carême”.
Si cela ne va pas bien, pour certains d’entre nous, je souhaite que le sourire et la joie des autres les soutiennent, leur apportent un peu de force et d’entrain.
La joie, ce n’est pas un égoïsme, c’est plutôt un signe de fraternité, une expression de la charité.

Je parle ici de la joie, un sentiment qui habite le cœur et qui éclaire le visage, le nôtre et celui des autres ; je ne parle pas des raisons de la joie.
Bien entendu, à Noël, pour les chrétiens, la raison de la joie, c’est une naissance, celle de Jésus, le Sauveur, le Fils de Dieu.
C’est cette joie qui ravit Marie et Joseph, les bergers, et jusqu’aux anges du ciel.
Tout le reste, la fête, les cadeaux, la nourriture sont des manières d’exprimer la joie de cette naissance.

Il est souvent facile d’opposer l’une aux autres, la naissance au milieu des animaux et toutes ces manières dont nous fêtons Noël, avec nos dépenses.
Oui, on peut le faire… mais, nous ne sommes pas de purs esprits, nous ne sommes pas des anges : nous sommes des êtres humains et notre joie, elle passe aussi par des choses matérielles, depuis les lumières du sapin jusqu’à ce qu’il y a sur les tables du réveillon.
Et tout cela, ce n’est pas un péché ; quel mal y a-t-il à se faire du bien, et faire du bien aux autres ?

Mais il faut dire cependant que ce qui procure de la joie, ce qui entretient la joie, peut être bien différent pour les uns et pour les autres.
On a le droit de préférer autre chose à la nourriture.
On a le droit de préférer le silence à la musique et aux chants.
Et ceci, je veux le souligner, contre une joie trop programmée, trop organisée, qui laisserait entendre que sans cela, telle nourriture, tel cadeau, tel chant, la joie serait impossible.
Soyons libres de certains diktats, qui, plutôt que de soutenir la joie pourraient conduire à nous en priver.

La joie n’est pas un produit, elle est un cadeau, elle est un don.
Elle est un des dons de Dieu, de son Esprit-Saint ; le prophète Isaïe vient de le dire : “Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse”.
Et ce sont les paroles de l’ange de Bethléem : “Voici que je vous annonce une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur.”

Voilà quelque chose que l’on peut, que l’on doit demander dans notre prière : Seigneur, donne-nous la joie, donne-moi de la joie.
Nous le savons, elle est une vraie force, elle est un dynamisme.
La joie ne supprime pas les épreuves ou les combats de la vie, mais elle nous soutient pour les affronter, ne pas nous laisser écraser.
On sait que les peuples qui ont connu des conditions d’existence très difficiles, des dictatures, ont développé un grand sens de l’humour.
C’est aussi, pour eux, une manière de résister.
En effet, les dictateurs n’ont aucun humour, une dictature se prend au sérieux, elle ne sait pas rire.

Beaucoup connaissent des blagues soviétiques ; je peux donner un petit exemple, pour sourire :
Qu’est-ce qu’un quatuor à cordes soviétique ? Un orchestre symphonique soviétique de retour d’une tournée à l’Ouest.
Ou encore : La différence entre un rouble soviétique et un dollar ? Un dollar.

Le sourire, la joie, ce sont des outils de liberté, cela aide à ne pas être écrasé par les épreuves.
N’ayons pas peur de rire et de sourire ; cela nous fait du bien et cela fait du bien aux autres.

Bien entendu la joie de Noël, ce ne sont pas que des blagues et des sourires, mais c’est aussi cela.
Plus profondément, que serait une religion qui ne saurait pas se réjouir de ce que sont les autres, de ce que nous donne la vie ?
La foi devrait d’abord nous enseigner cela, non pas à critiquer, à dresser la liste de ce qui va mal, de ce que les autres font de mal, mais à nous réjouir des autres, de qui ils sont, de leurs choix.
En disant cela, je me rends compte que c’est l’exact opposé de ce qui se passe sur ce que l’on appelle les “réseaux sociaux”.
On y fait bien peu de compliments, on passe son temps à critiquer les autres.

Je disais qu’il faut avant tout rechercher ce qui nous fait du bien, et ce qui fait du bien aux autres… et je n’ai guère constaté que les réseaux sociaux produisaient ceci… je vous laisse conclure au sujet de leur usage.

 

La fête de Noël pourrait nous aider à, avant tout, savoir regarder ce qui est beau, ce qui est bon.
Critiquer, dénoncer, non !
Regarder ce qui va bien, ce n’est pas oublier le reste, mais permet que les gens et les choses aillent mieux.
Les parents et les éducateurs le savent bien : un enfant, un jeune progresse plus par les encouragements que par les reproches.
Pour le dire autrement, évitons l’ironie, qui consiste à se moquer des autres, et pratiquons l’humour, qui consiste à apprendre à rire de soi-même.
Je parlais de l’humour soviétique… les jésuites le pratiquent aussi.
Vous savez qu’ils sont la Compagnie de Jésus, et bien, à la crèche, il leur est donné de contempler quelle est cette compagnie de Jésus : un bœuf et un âne !

Oui, au-delà du sourire, c’est bien toute la création qui est éclairée par la naissance de Jésus : les êtres humains que nous sommes, mais aussi les animaux, les végétaux, la nature, et jusqu’au ciel, par le chant des anges.
Oui, qu’il y ait beaucoup de joie en cette nuit de Noël.

 

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