Panorama pastoral
En qualité de président, Mgr Hervé Giraud a évoqué les éléments marquants de la vie pastorale de l’année passée et a défini les perspectives pour l’année à venir lors de l’Assemblée générale de l’Association diocésaine de Sens qui a eu lieu le jeudi 5 mai. Le rapport moral qui suit nous rappelle que les chiffres et plus généralement les questions matérielles sont au service de l’évangélisation !
Les rendez-vous réguliers, comme cette assemblée générale, constituent autant d’étapes apparemment accessoires, mais qui nous permettent de jeter un regard rétrospectif, de risquer une relecture.
Nous sommes entre deux campagnes électorales qui occupent l’espace médiatique alors même que les électeurs se font moins nombreux de scrutin en scrutin. Et pendant que l’exercice démocratique semble perdre vigueur, l’Église se préoccupe de retrouver le sens de la synodalité. Il pourrait y avoir là un paradoxe mais, à y regarder de plus près, on voit apparaître l’essentiel d’un dialogue vrai, qui ne laisse aucune opinion de côté, de la réflexion qui part ou se nourrit de la remarque la plus humble.
C’est aussi ce chemin de conversion qu’évêques et supérieurs des congrégations de notre pays ont pris la résolution de suivre devant l’ampleur des crimes d’abus sexuels perpétrés au sein de l’Église. L’indépendance de la démarche, la concrétisation des prescriptions à travers des engagements clairs et régulièrement évalués, sont autant de critères objectifs dans une démarche de vérité qui concerne certes toute la société, mais dans laquelle l’Église catholique doit donc d’autant plus rechercher l’exemplarité. Et, là encore, c’est en repartant des plus humbles, des plus méprisés, c’est-à-dire des victimes elles-mêmes, que nous acquérons la certitude d’être sur le bon chemin. Nous repensons alors à ce que l’Évangile du Christ nous dit de l’attention à notre prochain. Avoir pu, individuellement mais aussi collectivement, y être aussi peu fidèles, doit tenir en éveil notre recherche d’une juste attitude chrétienne.
La pandémie aura marqué une nouvelle fois l’année écoulée. Et elle a révélé nombre de fragilités. Mais elle aura également montré l’essentiel et provoqué, certes brutalement, un recentrement qui pourra s’avérer salutaire. Plus d’une fois, au cours de ces mois d’inquiétudes, la nécessité de revenir aux fondamentaux est apparue comme une évidence. Quand nous cherchions parfois loin de nous de vivantes images du Christ, nous avons pu les reconnaître enfin dans tous ces frères et sœurs qui se dévouent simplement dans un travail peu gratifiant mais tellement utile à tous. Faut-il qu’une cordée risque d’être entraînée vers le vide, pour que l’on réalise que nul n’est de trop pour assurer tout le groupe ? Ce n’est donc pas en conclusion de ce rapport moral, mais en introduction que je souhaiterais exprimer toute ma plus vive gratitude à tous les fidèles qui prennent toute la mesure de leur engagement baptismal en mettant leurs talents au service de la communauté. Nul n’est de trop ; nul ne vient trop tôt ou trop tard. L’essentiel est d’ouvrir nos communautés chrétiennes comme, entre Pâques et Pentecôte, les apôtres d’abord enfermés au Cénacle se sont ouverts à l’Esprit Saint pour mieux faire route vers toutes ces Galilée où le Ressuscité les précédait.
Évènements
Cette année marque le bicentenaire du diocèse de Sens dans ses limites actuelles, celles du département de l’Yonne. Elle est aussi celle de la phase locale de la démarche synodale souhaitée par le pape François. Nous poursuivons également la relecture de nos fonctionnements paroissiaux dans le but de leur conversion pastorale.
Et nous vivons donc un temps de fragilité. Les nombreux décès de ministres ordonnés ne l’illustrent hélas que trop. Depuis la dernière assemblée générale de l’Association diocésaine, où déjà le memento des défunts impressionnait, nous avons encore déploré le décès de 5 prêtres incardinés dans le diocèse : l’Abbé Jacques Hervieux, Mgr Robert Lechien, les Abbés Maurice Gruau, Jean-Pierre Lepage et Bernard Alphonse, auxquels on peut ajouter l’Abbé Denis Ponsot, de la Mission de France, le Fr. Louis Claudel, Frère des Campagnes tout comme le Fr. Louis Bourseau, diacre permanent. Nous les confions à la miséricorde du Seigneur. Notre diocèse a pu se réjouir de l’ordination diaconale de M. Didier Sécula, à Montréal le 17 octobre dernier (photo ci-contre).
Nous avons accueilli également plusieurs prêtres fidei donum : l’Abbé Avit Barushywanubusa, de l’archidiocèse de Kigali (Rwanda) avec lequel nous avons donc renforcé nos liens à travers l’arrivée de ce troisième prêtre en mission dans notre diocèse ; l’Abbé Robert Tsakadi, de l’archidiocèse de Lomé (Togo) ; l’Abbé Pierre-Célestin Titi Ndjock, du diocèse d’Eseka (Cameroun).Et nous accueillerons prochainement un nouveau prêtre du diocèse jumelé de Ziguinchor. Le diocèse de Bururi (Burundi), qui nous permettait de bénéficier du concours de l’Abbé Zacharie Niyonzima, enverra également à la rentrée un second prêtre. C’est donc largement avec le concours des jeunes Églises que notre diocèse séculaire peut disposer des prêtres dont il a besoin pour répondre à des attentes qui demeurent. Un jeune de notre diocèse est en premier cycle au Séminaire interdiocésain d’Orléans. Un second pourrait intégrer le séminaire à la rentrée prochaine. Et plusieurs prêtres, religieux ou diocésain, déjà en mission dans l’Yonne, seront prochainement incardinés à notre diocèse.
Les congrégations religieuses participent aussi à cet effort, malgré leurs propres faiblesses. On peut évoquer, à ce sujet, le Carmel de Sens, la plus ancienne d’entre elles, qui a reçu sa visite canonique régulièrement prescrite et a élu à l’automne une nouvelle prieure. Je pense utile aussi de citer les Fraternités monastiques de Jérusalem qui assurent l’accueil des pèlerins et le dynamisme du sanctuaire de Vézelay. Pour accroître encore la vocation de ce sanctuaire comme poumon spirituel de notre diocèse, une nouvelle répartition des responsabilités doit s’y déployer peu à peu, en application des suggestions de l’audit que j’évoquais les années passées.
Mais puisque c’est bien maintenant de façon résolument synodale que nous pouvons apprécier le résultat de ce que la Providence nous permet d’entreprendre, ce sont évidemment la lettre synodale sur le baptême et la participation de notre diocèse à la démarche synodale qui semblent devoir être particulièrement soulignées. La première a associé en premier lieu les familles concernées par le baptême d’un enfant, ceux et celles qui les préparent dans les paroisses, les ministres du baptême et les conseils diocésains. Enfin, les forces vives du diocèse se sont réunies en une assemblée diocésaine qui a fait l’expérience d’une parole libre et attentive pour pondérer un texte qui enracine nos pratiques sacramentelles dans les réalités théologiques, sans les extraire de leur réalité concrète. À la suite de la publication de cette lettre synodale, un groupe s’est constitué pour élaborer une frise qui complètera la collection de documents diocésains de formation et nous dotera d’un outil simple de préparation à ce sacrement.
Quant à la démarche synodale, dans sa première étape locale, elle est aujourd’hui en train d’être résumée en une synthèse qui alimentera elle-même la contribution nationale. Je remercie Hélène Trouvé et l’Abbé Christophe Champenois qui ont organisé, avec Yves et Martine Le Floch, cette démarche qui aura donc réuni quelque 1 200 participants pour notre diocèse. Sur les 31 paroisses de notre diocèse, 28 se sont associées à la démarche, et 44 synthèses locales ont été adressées au total à l’équipe diocésaine. Notons que la synodalité ecclésiale s’entend moins comme de vains débats que comme la nécessité de ne prendre des décisions qu’en ayant présentes à l’esprit toutes les opinions qui peuvent s’exprimer sur un sujet. L’enjeu de ce synode sur la synodalité est celui de la méthode. Osant une comparaison, j’évoquerais volontiers le lavement des pieds. Par ce geste, le Christ a-t-il seulement institué un geste liturgique que l’on perpétue une fois l’an, ou a-t-il enseigné à ses disciples le sens véritable du service ? Il en va de même pour la synodalité et, sans attendre les résultats du synode romain, nous devons déjà introduire cet usage dans nos fonctionnements paroissiaux. Les équipes d’animation que je rencontre, les unes après les autres, depuis plusieurs mois, y sont peu à peu sensibilisées. Et c’est bien dans l’appel et le service que nous vivrons l’année pastorale 2022-2023 tout autant pour nous souvenir de la façon dont nous y avons répondu depuis deux siècles que pour adapter nos structures à une situation nouvelle mais toujours ouverte à l’Esprit.
Monseigneur Hervé Giraud