Lettre pastorale de Mgr Hervé Giraud
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“Lève-toi et prends la route avec eux.” Ac 10, 20
Les importants changements sociaux-culturels des dernières décennies conduisent notre Église diocésaine à se transformer peu à peu dans la tradition de réflexion ecclésiologique du Concile Vatican II. En 2016, nous réorganisions le diocèse en 31 paroisses et établissions, pour cinq ans, un Statut des équipes d’animation paroissiale (ÉAP). Aujourd'hui, des compétences et les dons de beaucoup sont encore à mettre en valeur au service de tous. Dans la phase de consultation diocésaine en vue du Synode romain, la nécessité d’un dialogue constructif a été soulignée : « Les synthèses nous ont montré qu’il existait un besoin très fort de parler, de se parler, de s’écouter et de se sentir écouté. » En remerciant ceux et celles qui ont participé, il nous faut donc prolonger cette synodalité : relire la synthèse diocésaine, la collecte nationale, et son document d’accompagnement.
Sans plus attendre, pour chercher des voies nouvelles d’évangélisation, nous mettrons en valeur tous les éléments qui invitent chaque fidèle à s’impliquer selon son charisme et avec « créativité », selon l’expression du pape François. Le Code de Droit Canonique nous offre déjà bien des possibilités pour mettre en œuvre cette capacité inventive. Pour être fidèles au Christ, nous devons engager cette réforme missionnaire de la pastorale diocésaine.
La priorité pour cette conversion reste la Parole de Dieu, comme puissance intérieure qui réalise notre conversion personnelle et collective. L’Écriture possède une force prophétique qui la rend toujours vivante. Il importe donc que le diocèse forme à la lecture et à la méditation de la Parole de Dieu, « créatrice de fraternités », pour qu’elle renouvelle nos cœurs et notre histoire. Avant toute conversion des structures il est requis que nous changions de mentalité par un renouvellement intérieur, qui concerne en premier lieu ceux qui sont appelés à prendre des responsabilités dans l’Église.
Il nous faut ensuite partir de l’Église locale, de notre Église diocésaine, afin d’y redécouvrir la vocation de chaque baptisé à être disciple de Jésus et missionnaire de l’Evangile. Cette conversion se réalisera par l’implication du Peuple de Dieu et par un processus graduel de renouvellement des structures. Les institutions sont utiles quand une vie les anime, les soutient et les évalue. Sans une vie nouvelle et un authentique esprit évangélique, sans un regard « par le bas », toute nouvelle structure se corrompt en peu de temps. Le diocèse est donc appelé à être d’abord un signe vivant de la proximité du Christ par le moyen d’un réseau de relations fraternelles, notamment avec les plus pauvres. Le sujet de l’action missionnaire et évangélisatrice de l’Église est, après et avec l’Esprit Saint, le Peuple de Dieu dans son ensemble. C’est bien la communauté tout entière qui est le sujet responsable de la mission.
Ainsi donc, l’Église locale et ses paroisses peuvent encore se renouveler pour être toujours plus proches des gens, en sachant que les pauvretés doivent être mises au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes tous appelés à trouver d’autres modalités de proximité dans notre diocèse - banlieue de l’Île de France et porte de la Bourgogne ! - où cohabitent des cultures de plus en plus diverses. Aujourd’hui, le territoire n’est plus seulement un espace géographique délimité, mais un contexte où chacun vit sa propre vie, faite de relations, de services réciproques et de traditions anciennes. C’est dans ce « territoire existentiel » que l’Église locale doit relever le défi de la « joie de l’Évangile ».
Les processus de transformation impliquent donc une succession de temps et d’étapes, des discernements, des corrections, des expérimentations. La souplesse est nécessaire pour être attentifs à ne pas forcer le temps, à ne pas nous précipiter car les personnes concrètes ne doivent pas être oubliées. Les structures doivent être pensées dans la vie réelle du diocèse avec une phase nécessaire de consultation préalable, puis une mise en œuvre progressive et enfin une phase de vérification.
Le diocèse fait donc un choix missionnaire, en cherchant à transformer ses habitudes, son style de vie. Un évêque et un curé ne peuvent guider l’Église locale sans leurs conseils pastoraux. Par la grâce de l’Esprit Saint, une telle conversion missionnaire est possible et doit se traduire notamment par une réforme des structures diocésaines. Ainsi à partir du 1er septembre 2022 :
- un conseil pastoral diocésain sera mis en place, dans un fonctionnement synodal et une optique missionnaire ;
- le conseil épiscopal, qui comptait actuellement quatre prêtres et deux laïques, sera désormais composé des deux vicaires généraux, de deux laïques dont une déléguée diocésaine ayant notamment pour mission de promouvoir la synodalité, et d’un diacre ; il sera élargi régulièrement aux doyens ;
- le conseil presbytéral continuera d’être régi par les normes générales du Droit et par ses statuts diocésains ;
- les statuts des EAP seront revus pour que la paroisse soit ordonnée à la mission, encourageant l’émergence de conseils paroissiaux ou d’assemblées paroissiales et, en tant que de besoin, une coopération accrue au niveau des doyennés (conseils de secteurs…etc.) ;
- les responsables des services diocésains seront tous nommés délégués épiscopaux (délégués épiscopaux pour les services diocésains à la formation permanente, pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations, de la liturgie et de la pastorale sacramentelle, du catéchuménat, de la catéchèse, de l’enseignement catholique, de la solidarité, de la communication, de la pastorale familiale, de la pastorale de la santé, des migrants, des pèlerinages, des affaires économiques, pour la formation au ministère presbytéral, pour la protection des mineurs.).
Ainsi, pour mieux prendre en compte la forte demande d’écoute et de « remontée du terrain », considérant les signes des temps qui permettent de redécouvrir avec profit l’articulation entre les fidèles laïcs et les ministres, considérant aussi que les seules visites pastorales de l’évêque ne peuvent suffire, j’ai décidé, après réflexion avec le Conseil épiscopal et information au Conseil presbytéral, de constituer, ad experimentum, pour une période de trois ans, un office de délégué diocésain, chargé de la synodalité, qui peut être pourvu par un fidèle laïc, homme ou femme, au titre de son baptême et de sa confirmation. Cet office comporte la charge de visites synodales permettant de repérer les initiatives missionnaires dans les paroisses, comme aussi les différents talents qui s’y emploient, pour les faire valoir directement auprès de l’évêque et au service du corps ecclésial tout entier. Ce service consistera aussi à encourager et à coordonner ces initiatives locales en veillant notamment à l’ajustement des services diocésains à ces fins. Pour cela, le délégué diocésain participera aux travaux du Conseil épiscopal, comme membre de droit, et sera associé aux autres conseils diocésains, en rapport avec le sujet de leur réflexion. Il sera donc comme un porte-parole du terrain diocésain, dans le sens de la synodalité à promouvoir. De plus, il coordonnera le futur Conseil pastoral du diocèse.
La conversion pastorale, synodale et missionnaire de l’Église catholique dans l’Yonne requiert donc la contribution de tous les baptisés, y compris des plus faibles, en nous associant tous ceux qui accueillent aussi, sans le savoir, le royaume de Dieu. Elle rejoint l’élan de Marie Madeleine, apôtre des apôtres, à qui nous confions cette démarche de conversion missionnaire.
+ Mgr Hervé Giraud,
archevêque de Sens & Auxerre
1er juillet 2022